[Ce texte n'est qu'un extrait. La notice complète peut être communiquée sur demande]
Au Salon de 1800, Émilie Bounieu expose sous le n° 50 une Hélène, occupée à broder, voit arriver Laodicé, tour de force technique et intellectuel, particulièrement abouti dans l’exécution et complexe dans ses subtiles références.
Le format, tout comme l’attitude du personnage et le coloris du costume, est un hommage sans équivoque à la Liberté de Nanine Vallain qui ornait la salle de réunion du club des Jacobins jusqu’en 1794. La famille Bounieu connaît intimement Charles Duval qui exerce les fonctions de secrétaire puis de président du club des Jacobins du 26 mars au 6 avril 1794. Il n’est ainsi pas étonnant que la Liberté de Vallain, en tant que symbole des convictions révolutionnaires de la jeune Bounieu, ait servi de modèle à sa Hélène.
Bounieu n’en reste pas là. Nombreux sont les éléments inspirés du Marcus Sextus de Pierre-Narcisse Guérin, chef-d’œuvre unanimement loué lors du précédent Salon et admiré par ces « trente femmes Peintres » lors d’un repas en 1799.
Ainsi, le sujet choisi par Bounieu peut être interprété comme une déclinaison de Guérin, cette fois-ci du point de vue de l’expérience féminine. Seule dans un pays étranger, passive et voyant les siens s’entretuer, Hélène n’est-elle pas représentative du sort des femmes en émigration durant les épisodes révolutionnaires ? Pour appuyer la filiation avec Guérin dans la même force dramatique, Bounieu utilise un nombre d'effets intéressants : lumière, visage pétrifié, décor, objets, couleurs. Et elle cite Guérin en représentant, notamment sur l’himation d’Hélène, le drapé coulant et mouillé si caractéristique du tableau de Guérin.
Enfin, il est probable que l'autoportrait de Bounieu se confonde avec le visage d’Hélène. Elle réitère ainsi une idée déjà mise en œuvre dans l’Aspasie de Marie-Geneviève Bouliar, un chef-d’œuvre féminin unanimement loué lors de son exposition au Salon de 1795 et présenté de nouveau au public en 1796 compte tenu de son immense succès.
Il est à noter que le fait de prêter ses traits à sa Hélène est reproché par la critique à la jeune artiste : le Journal des débats et des décrets affirme qu'« il y a dans la tête pas assez de cette beauté idéale qui convient au sujet » et le Mercure de France écrit ironiquement que "Mademoiselle Bounieu a certainement pris pour son modèle une très jolie Française, fort occupée au plaisir de se faire peindre ».
Un autre tableau de Bounieu, exposé au Salon de 1808, et décrit comme suit dans Le Journal des Débats "c'étoit une idée assez difficile à rendre en peinture, que ce joyeux adage, in vino veritas. Voici ce que Mlle Bounieu a imaginé (N°69), une femme belle, nue, tenant à la main un miroir tout éclatant de rayons lumineux, accroupie dans un verre de vin", est aujourd'hui connu grace à sa gravure, attribuée à son père par le passé. On y voit l'intéret de Bounieu pour les figures féminines frontales, de plein pied, accompagnées d'attributs mis en valeur par un cadre sobre.
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