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Hortense Haudebourt-Lescot

Un condamné à mort exhorté par un capucin au moment de partir pour le supplice

Hortense HAUDEBOURT-LESCOT (Paris, 1784 –Paris, 1845).

Un condamné à mort exhorté par un capucin au moment de partir pour le supplice

1830-1832.
Huile sur toile. H : 32,5 ; 40,5 cm.
Signé en bas à droite : haudebourt Lescot
 

La version en grand format de notre œuvre a été exposée à l’occasion du Salon de 1819. Le Condamné exhorté par un capucin au moment de partir pour le supplice d’Hortense Haudebourt-Lescot se distingue de la manière habituelle de l’artiste par son propos dramatique. Sans compter le jugement de Landon[1], très attaché au caractère léger et gracieux de la « peinture de femme », le tableau est un succès critique.

Auguste Jal est particulièrement impressionné et écrit : « Il est difficile de se persuader qu’une telle composition soit sortie d’un pinceau féminin ; une touche large et vigoureuse, une couleur solide, de beaux caractères de têtes, la distinguent de toutes celles où Mlle Lescot a su prodiguer la grâce, le brillant de la palette, et quelquefois une coquetterie recherchée[2] ».

La Maison du Roi achète l’œuvre à l’issue de l’exposition, reconnaissant ainsi publiquement le talent d’Haudebourt-Lescot en peinture de genre. L’artiste est également récompensée par une médaille d’or à la clôture du Salon.

 Moins de quinze ans après sa réalisation, il est fait mention du tableau en 1832 dans un billet du secrétaire des Musées royaux, Alphonse de Cailleux :

« M. Jousselin enverra chercher chez Madame Haudebourt le tableau représentant Un condamné à mort, qui lui a été confié en 1830 pour le restaurer.

Ce 17 août 1832
.[3] »


Nous comprenons après lecture que l’état de conservation du tableau, probablement très dégradé, a nécessité une restauration qui fut confiée à Haudebourt-Lescot en 1830. Le fait de s’adresser à l’artiste auquel revient la paternité de l’œuvre pour sa restauration est inédit. En effet, une intervention s’impose traditionnellement bien après la mort de l’artiste créateur.

Ici, l’altération précoce du Condamné s’explique par la large utilisation de bitume de Judée par l’artiste durant la réalisation de l’œuvre. Populaire dans les premières années de la Restauration, ce pigment s’appréciait sur la toile pour son magnifique noir aux reflets bruns, utilisé en glacis pour les ombres ou en couche épaisse pour les aplats des fonds. Toutefois, dès le milieu des années 1820, les artistes se rendent compte de la très mauvaise tenue du pigment dans le temps. Pire, il est, selon la quantité utilisée, responsable de véritables désastres en termes de conservation. Ne séchant jamais complètement, le bitume a tendance à migrer dans les couches supérieures et peut être à l’origine de craquelures lacérant la composition. Posé en couche épaisse, comme ce fut le cas pour les parties sombres du Condamné, il se ride et noircit rapidement.

            Les dégâts causés par le bitume sur l’œuvre demeurent irréversibles, malgré la restauration d’Haudebourt-Lescot. Les pertes, notamment en arrière-plan, sont importantes vis -à-vis de la composition originelle, heureusement conservée grâce à une gravure au trait reprenant l’œuvre et publiée par Landon dans son Annales du musée de 1819[4].
 
           
Ayant constaté d’elle-même la détérioration prématurée de son Condamné, Haudebourt-Lescot s’intéresse aussitôt à un autre tableau de sa main ayant intégré les collections royales en 1819 ; Diane de Poitier demandant à François Ier la grâce de son père conservé au château de Fontainebleau. Le tableau présente des traces de bitumes, bien qu’en moindre proportion en comparaison du Condamné.
Sans surprise l’œuvre apparaît altérée lors de la visite d’Haudebourt-Lescot à Fontainebleau en 1832, comme en témoigne une lettre de l’artiste à Alphonse de Cailleux :

« Monsieur
Je viens vous demander deux choses pour lesquelles je vous aurais bien de l’obligation si vous vouliez avoir la bonté de vous en occuper. La première serait de donner, le plus tôt possible, des ordres afin que mon tableau de François Ier qui est à Fontainebleau fût dévernis, ce tableau ayant commencé à craqueler depuis près de deux ans, et ayant besoin de quelques soins.
[...][5] »
         

Craignant sans doute de voir disparaitre une œuvre de sa main conservée dans les collections royales, Haudebourt-Lescot exécute une réduction du François Ier. Bien que disparue, cette réduction, d’environ 54 centimètres de haut sur 46 de large, nous est connue grâce à sa mention dans le catalogue de vente de la collection Armand Jacques Fossard en 1835[6].

Ainsi, il est tout à fait probable que, à l’image de son François Ier, Hortense Haudebourt-Lescot ait exécuté une réduction de son Condamné afin de conserver le souvenir de son travail menacé et conservé dans les collections royales. Cette réduction autographe pourrait avoir été exécutée entre 1830 et 1832, dates entre lesquelles l’artiste est en possession du tableau afin de le restaurer.
Une autre hypothèse, serait qu’il s’agisse d’une commande plus tardive d’Alphonse de Cailleux, devenu directeur-adjoint des musées Royaux, comme pourrait en témoigner la lettre suivante :

« Monsieur,

  Mon mari m’a fait part de votre proposition et je m’empresse de vous faire savoir que je me charge avec plaisir de faire le petit tableau dont vous lui avez parlé. J’attends vos instructions à ce sujet, et avec impatience, l’occasion de vous remercier
.[7] »


Excepté l’ajout d’un mât auquel s’attachent les chaînes du supplicié, l’artiste reprend traits pour traits sa composition de 1819. Elle se garde, cette fois-ci, d’utiliser le fameux bitume dans les zones sombres du tableau et opte, à la place, pour un brun, presque noir, très velouté, rappelant sans doute le coloris originel.

Notre œuvre représente donc le seul témoignage d’un jalon important de la carrière d’Hortense Haudebourt-Lescot, la version aujourd’hui conservée au Louvre étant devenue très difficilement lisible.


[1] Charles-Paul Landon, Annales du musée, Paris, Pillet, 1819, p. 73.

[2] Auguste Jal, L’Ombre de Diderot, Paris, Coréard, 1819, pp. 177-178.

[3] Billet manuscrit d’Alphonse de Cailleux à l’administration des Musées royaux - 17 août 1832. L.a.s., 1 p. Pierrefitte-sur-Seine, A.M.N., série P30, dossier « Haudebourt-Lescot ».

[4] Charles-Paul Landon, Annales du musée, Paris, Pillet, T. II, 1819, p. 72, planche 49.

[5] Lettre manuscrite d’Hortense Haudebourt-Lescot à Alphonse de Cailleux - 1834. L.a.s., 2 pp. Adresse. Pierrefitte-sur-Seine, A.M.N., O/4/2864.

[6] Collection Armand Jacques Fossard ; sa vente, Paris, hôtel des Commissaires-Priseurs, place de la Bourse (Bonnefons-Delavialle), 22 avril 1835, n° 33 : « François Ier et Diane de Poitier. Diane, aux genoux du célèbre monarque, lui demande la grâce de son père, Jean de Poitiers, comte de Saint-Vallier, condamné à mort pour avoir favorisé la fuite du connétable de Bourbon. Touché des larmes de la suppliante, frappé de ses attraits, François Ier la relève avec affabilité́ et pardonne au coupable. Deux dames de la cour sont à la droite du roi. La scène a lieu dans une salle en dehors de laquelle on voit deux autres personnages sur un perron. / Mme Haudebourt a soigné ce tableau. / T., h. 20 p., l. 17 p.», 800 francs.

[7] Lettre manuscrite d’Hortense Haudebourt-Lescot à Alphonse de Cailleux - 1838. L.a.s., 2 pp. Adresse.
Pierrefitte-sur-Seine, A.M.N., série P30, dossier « Haudebourt-Lescot ».
 
           

 

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