



Un jeune tireur
Albert KORNEK (Breslau, 1813 - Berlin, 1905)
Un jeune tireur
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1880.
Huile sur toile.
Tampon de la collection de l’artiste sur le châssis.
H : 78,5 ; L : 65,5 cm.
Provenance : vente après décès de l’artiste, 20 février 1905, Berlin, Rudolph Lepke.
Un peintre dans le sillage du réalisme allemand.
Né en 1813 à Breslau en Allemagne, Albert Kornek se destinait à l’origine au clergé mais ses talents précoce de peintre furent remarqués dès les années 1830, il intègre donc l’Académie de Berlin en 1833 et apprend la peinture auprès de l’artiste von Klöber avant d’entrer dans l’atelier de Karl Sohn à Düsseldorf. Il appartient à cette génération d’artistes allemands du XIXᵉ siècle qui, dans le sillage du romantisme tardif et des courants réalistes, ont cherché à conjuguer précision naturaliste et idéalisation héroïque. A la fois portraitiste et peintre de sujets romantiques inspirés de Goethe ou de contes populaires, il devient professeur à Berlin dès les années 1840 où il exerce son métier en tant que portraitiste et peintre de sujets religieux pour la cour prussienne.
Actif dans la seconde moitié du siècle, il a produit une œuvre encore aujourd’hui peu connue, mais documentée par des sources solides : son nom figure dans le répertoire de Friedrich von Boetticher, qui constitue l’outil de référence pour l’étude de la peinture germanique de cette époque.
Son travail s’inscrit dans la grande tradition académique de l’Allemagne unifiée, sensible à la fois à l’exactitude de la représentation, à la rigueur de la construction plastique, et à une recherche d’élévation morale par le sujet. Kornek participa à ce mouvement qui mettait en avant la figure humaine comme centre d’un récit à la fois historique, allégorique ou de genre.
Notre tableau, daté de 1880 et identifié lors de la vente après décès de l’artiste sous le titre Junger Schütze (Un jeune tireur), témoigne de la maîtrise de Kornek dans l’art du portrait à mi-chemin entre la scène de genre et la figuration héroïque.
L’œuvre représente un jeune arbalétrier, au visage juvénile et lumineux, saisi dans une attitude de fierté et d’élan. Le modèle, campé de trois-quarts, porte son arme en bandoulière, la main posée sur la hanche, le regard détourné vers un horizon invisible. L’expression, à la fois grave et rêveuse, confère à la composition une intensité dramatique, comme si le personnage se situait à l’orée de son destin.
La palette, dominée par des bruns profonds et des noirs, met en valeur l’éclat du visage et des mains, accentuant le contraste entre l’ombre et la lumière. La touche, précise sans être rigide, révèle une solide formation académique. La silhouette se découpe sur un fond sombre légèrement animé par un ciel crépusculaire, ce qui renforce l’effet théâtral.
Entre tradition académique et exaltation romantique.
Plus qu’un simple portrait, Junger Schütze s’inscrit dans une lignée de représentations de la jeunesse héroïque chères au XIXᵉ siècle. La figure de l’archer, arme en bandoulière, évoque autant les traditions germaniques que l’idée romantique d’un lien privilégié entre l’homme, la nature et l’histoire nationale. Le tableau reflète ainsi une double aspiration : décrire avec vérité un visage et un costume, mais aussi proposer une image universelle de courage et d’espérance.
Le fait qu’il ait appartenu à la collection de l’artiste lui-même, comme l’indique le tampon de la collection Kornek, puis qu’il soit signalé dans le répertoire de Boetticher, confère à cette peinture une provenance prestigieuse et une place assurée dans l’histoire de la peinture allemande du XIXᵉ siècle.
Une image au croisement de la tradition et du romantisme :
À travers cette figure, Kornek dialogue avec toute une iconographie du XIXᵉ siècle où la jeunesse armée incarne la vitalité et l’avenir de la nation. Defregger avait exalté les jeunes montagnards du Tyrol, Menzel les recrues prussiennes, Feuerbach les héros antiques. Kornek choisit une voie plus intime : isolant son arbalétrier de tout contexte historique précis, il le transforme en symbole universel, à la fois réaliste et idéalisé.