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Ecole de Ary SCHEFFER

Scène d’inondation

Ecole de Ary SCHEFFER (Dordrecht, 1795 – Argenteuil, 1858)

Scène d’inondation

Vers 1820-1825
Aquarelle et gouache sur papier. 
H : 61,5 ; L : 81 cm.

 

Un peintre dans le sillage du romantisme dramatique

Perchés sur le toit d’une maison autour de laquelle s’organise la composition, des villageois sont secourus par d’autres habitants en barque. Au centre, un homme prend appui sur une pierre pour mener une femme vers l’embarcation et un vieil homme s’avance pour l’aider. Une femme éplorée tend ses bras vers le ciel, une autre est couchée sur quelques effets personnels qui ont pu être sauvés tandis que dans le fond, d’autres personnages, inquiets, regardent dans différentes directions. Le dramatisme de la scène est soutenu par les expressions des visages, les flots boueux présents en premier en en arrière-plan qui enferment la scène, le ciel orageux et le mobilier qui dérive en premier plan. Le traitement pictural, qui allie larges coups de brosse aquarellées et points de détail gouachés, rend l’aspect cotonneux d’une lumière obscurcie par la tempête.

Cette œuvre a été réalisée par un contemporain d’Ary Scheffer, alors très en vogue. La composition, la touche, certaines attitudes et plusieurs faciès de protagonistes se retrouvent dans le travail de Scheffer, notamment La Tempête (fig. 1) du musée de la Vie Romantique ou encore L’Incendie (fig. 2) du musée de Rouen. Scheffer lui-même s’est essayé à une Scène d’inondation lors du Salon de 1827. Toutefois, à la différence de notre tableau, l’action se déroule après le drame.

Entre qualité picturale et dramatisme romantique

Elle peut être rapprochée de la seconde période artistique de Ary Scheffer (1795-1858), qui, après avoir exposé quelques œuvres à l’inflexion néoclassique, cherche sa voie à travers un romantisme dramatique. À ses débuts, Scheffer expose des toiles inspirées de l’histoire nationale et de la mythologie qui lui permettent d’exprimer de forts sentiments d’affliction, mêlées d’héroïsme, dès les années 1815. Il évolue au cours des cinq années qui suivent et peint en parallèle des œuvres plus sentimentales, montrant des scènes de drames quotidiens.

Un tournant s’opère en 1827 avec Les Femmes souliotes (fig. 3), le coloris devient alors plus cristallin, les personnages plus longilignes, les compositions plus rapprochées et habitées de moins de personnages. C’est pour cette dernière période que l’artiste est le plus célèbre, notamment pour ses œuvres inspirées du chef-d’œuvre de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), Faust.

Pourtant, la période d’une douzaine d’années s’étendant de 1815 à 1827 représente un véritable laboratoire pour la création fertile du jeune artiste. Ces premières années de la Restauration en France voient l’avènement d’une nouvelle peinture de genre prisée par la bourgeoisie alors naissante. Il s’agit de scènes de la vie du petit peuple empreintes de sentimentalisme larmoyant. Durant les années 1820, Ary Scheffer se fait une spécialité de ces tableaux qui lui assurent une grande notoriété.

Une image au croisement du réalisme et de la sensibilité bourgeoise

L’artiste immortalise ici avec une grande justesse la profonde souffrance du petit peuple. Il dépeint avec subtilité les émotions variées face à l’inondation et au sauvetage, allant de la peur à la reconnaissance, en passant par la tristesse et les supplications.

Le coup de lumière porté sur les personnages centraux, alors que d’autres affligés restent dans l’ombre, est aussi reconnaissable de la manière de Scheffer. Nous le retrouvons notamment dans Les Femmes souliotes et La Tempête. L’utilisation de la brosse à larges traits, la touche libre pour la représentation de certains détails tels que la paille sur le toit de l’habitation font aussi la spécialité de l’artiste dans son travail de l’aquarelle, sûrement sous l’influence de la manière de Delacroix.
La composition pyramidale avec une ligne d’horizon assez basse, une figure éplorée, de profil, et les mains jointes était aussi une formule employée par Scheffer pour la représentation d’autres scènes dramatiques.


Fig. 1. Ary Scheffer, La tempête, vers 1820, huile sur panneau, 37x51,5 cm, Musée de la vie romantique (Inv. CSR P 7).
Le personnage central avance son pied avec force dans une posture inhabituelle que reproduit notre gouache

Fig. 2. Ary Scheffer, L’incendie ou Scène d’exode, huile sur toile, 60x73 cm, Musée des beaux-arts de Rouen, (Inv. 975.4.207).

Fig. 3. Ary Scheffer, Les Femmes souliotes, huile sur toile, H : 2,615 m ; Largeur : 3,595 m, Musée du Louvres, (Inv. 7857).