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Georges ROCHEGROSSE

Pillage d’une villa gallo-romaine par les Huns

Georges ROCHEGROSSE
(Paris, 1859 - 1938)
Pillage d’une villa gallo-romaine par les Huns .
1894.
Huile sur toile.
Signée et datée en bas à droite.
H : 50 ; L : 73 cm.

    Né à Versailles en 1859, Georges Rochegrosse grandit dans une atmosphère où l’art et la poésie s’entrelacent. Après la mort de son père, sa mère se remarie avec le poète Théodore de Banville, figure centrale du Parnasse, qui ouvre au jeune Rochegrosse les portes d’un univers littéraire et artistique foisonnant. Formé auprès d’Alfred Dehodencq, puis à l’Académie Julian et à l’École des Beaux-Arts, il reçoit l’héritage de l’académisme tout en affirmant un tempérament singulier, épris de grandeur et de drame.
Dès ses débuts au Salon, Rochegrosse s’impose comme l’un des maîtres de la peinture d’histoire. Ses toiles, vastes et théâtrales, captivent par leur intensité dramatique et par l’expressivité des gestes et des visages. Les scènes qu’il imagine, souvent empreintes de violence, de tumulte ou de mélancolie, révèlent son goût pour la puissance expressive du récit pictural. Voyageur, attentif aux couleurs et aux atmosphères d’Orient, il saura aussi s’aventurer vers des sujets plus symbolistes. Mais toujours, dans son œuvre, résonne ce souffle tragique qui en fait l’un des peintres les plus marquants de la fin du XIXᵉ siècle.

    Avec Pillage d’une villa gallo-romaine par les Huns, Rochegrosse s’empare d’un épisode fondateur de l’imaginaire historique : le choc brutal des invasions barbares contre l’univers raffiné et fragile de la civilisation antique. La toile capture le moment du saccage, lorsque la brutalité des guerriers surgit dans l’élégance d’une demeure romaine. Tout est mouvement, éclat et violence contenue : la pierre se brise, les étoffes volent, les visages se crispent dans la peur ou l’avidité.
Dans un format resserré, l’artiste condense la dramaturgie d’une fresque monumentale. La composition se déploie comme une scène de théâtre antique, où la lumière sculpte les corps et met en relief le contraste entre le luxe menacé et la force destructrice. Le spectateur, happé par la tension dramatique, assiste à une rencontre fatale entre deux mondes, la grandeur romaine sur le point de s’effondrer et l’élan irrépressible des conquérants.

   L’œuvre, soigneusement conservée, porte au revers la mention « Appartient à Melle Teyssier de Rauschenberg, St Gérand le Puy Allier ». Elle fut présentée au public lors de l’Exposition artistique bourbonnaise de Moulins en 1925, sous le numéro 252, avant de rejoindre la Galerie des Saint-Pères à Paris, puis une collection particulière.
Il s’agit d’une variante de l’œuvre présentée au Salon en 1893 et reproduite par la gravure au catalogue et également photographiée en 1910 dans Georges Rochegrosse, sa vie, son œuvre par Jean Valmy-Baysse.
Ce tableau est bien plus qu’une scène de pillage : il est la mise en image d’une fracture de civilisation, traduite avec la force lyrique d’un peintre qui fait de l’histoire une matière vibrante. La violence qui s’y déchaîne n’est pas gratuite : elle révèle l’extrême fragilité de la beauté, et se fait l’annonce de la fin de la civilisation antique. En cela, Rochegrosse ne se contente pas d’être un peintre d’histoire ; il devient un poète tragique de la peinture, offrant au regard un spectacle à la fois effrayant et fascinant, où l’œil se perd dans les détails, les matières, les éclats d’une civilisation qui vacille.